RÔLES ET STATUTS

RÔLES ET STATUTS
RÔLES ET STATUTS

Entre la structure sociale, étudiée par les sociologues, et l’individu humain dont s’occupe la psychologie, les implications réciproques ne paraissent pas, a priori, évidentes. Comment, en effet, l’homme vient-il s’insérer dans cette structure, comment peut-il dynamiser et faire évoluer ces formes organisées, apparemment stables et rigides? Et, inversement, quel est le poids de cette structure sociale sur le devenir intellectuel, comment introduit-elle une certaine stabilité et une certaine prévisibilité dans le comportement d’individus changeants et uniques?

En fait, deux concepts – qui se trouvent au centre de la plus spécifique des théories de psychologie sociale – possèdent cette fonction de chaînon entre la sociologie et la psychologie, entre la structure sociale et l’individu. Il s’agit des concepts de statut et de rôle. Le premier renvoie davantage à la structure sociale, puisque les statuts désignent les différentes positions, liées les unes aux autres, qui ponctuent cette structure sociale et y définissent des systèmes relativement autonomes (par exemple, le système familial, caractérisé par les positions: père, mère, enfant). Le concept de rôle est plus orienté vers les individus, puisqu’il se réfère à des conduites, ou plutôt à des modèles de conduite, rattachées au statut.

Historique et définition

Le terme de statut (emprunté au latin de basse époque statutum ) signifie communément une règle établie pour la conduite d’une association quelconque, ou bien aussi une loi ou un règlement. Quoique seuls ces deux emplois soient corrects, le terme est utilisé en psychologie sociale pour traduire l’anglais status (ce dernier terme étant conservé dans certains ouvrages français). Dans la littérature anglaise, on le trouve chez H. J. S. Maine et H. Spencer dans le sens de rang, position, que lui a conservé le psychosociologue R. Linton en le reprenant. Actuellement, les auteurs américains l’utilisent principalement dans deux sens: celui de «position sociale» et celui de «prestige» («avoir du statut» voulant dire «avoir du prestige, être bien accepté par les membres de son groupe»).

Le terme de rôle possède une histoire plus longue et des emplois plus variés. Étymologiquement, il est né du latin médiéval rotulus (en latin, rota : roue) et signifie d’une part «une feuille roulée portant un écrit», d’autre part «ce que doit réciter un acteur dans une pièce de théâtre». Dès le XIe siècle, il a été employé dans le sens de «fonction sociale», profession.

À côté de ces premières acceptions, le langage courant comporte d’autres significations dérivées: le rôle en tant qu’« attitude de l’individu», souvent inauthentique («il ne fait que jouer un rôle»), le rôle désignant l’«importance de l’individu dans un contexte social» («il joue un rôle dans la vie politique»), ou le rôle en tant que «personnage assumé» («il joue le rôle de Napoléon»). Ces divers sens courants du terme de rôle – dramatique, personnel, social – se retrouvent en filigrane dans ses définitions techniques, d’où leur diversité et leur complexité. En ce qui concerne le concept de rôle, il a d’abord surgi çà et là dans les sciences humaines, se manifestant sous des dénominations différentes (fonction, personnage), aussi bien en Allemagne et en France que, plus tard, aux États-Unis.

Le terme de rôle a été employé systématiquement par G. H. Mead, qui ne le rattache pas au statut, mais l’étudie dans les processus de la communication: ceux-ci sont fondés sur la «prise de rôle», c’est-à-dire sur le fait de se mettre mentalement à la place de son partenaire, d’adopter son attitude. Cette «prise de rôle» permet de prévoir les actions d’autrui pour y adapter sa propre attitude, mais, retournée contre soi-même, elle révèle le moi tel qu’il apparaît à autrui. La notion de rôle ainsi définie, proche de celle d’attitude, se situe dans une dimension essentiellement horizontale, interpersonnelle.

Ce fut le mérite de Linton d’introduire la dimension verticale, de rattacher le rôle au statut et, par là même, à la structure sociale. À chaque statut sont liés certains modèles de conduite qui prescrivent aux individus placés dans ces positions comment ils doivent se comporter, notamment envers ceux qui occupent les positions complémentaires (par exemple, l’employeur envers l’employé). Le rôle est défini par Linton tantôt comme l’aspect dynamique du statut (qui, lui, est statique), tantôt comme «la somme totale des modèles culturels associés à un statut particulier» (Le Fondement culturel de la personnalité ).

Ces notions, spécialement la notion de rôle, ont été développées et remaniées, principalement par T. M. Newcomb – qui insiste sur les attentes de rôle des individus, dont la convergence donne son poids au rôle – et par J. L. Moreno – qui rejette sa fonction de modèle social figé et en fait une création de l’individu, gonflée d’implications personnelles, dramatiques et sociales.

Si les rôles dramatiques et personnels marquent la vie de l’individu et s’y mêlent parfois aux rôles sociaux, seuls ces derniers renvoient au groupe ou à la société par l’intermédiaire du statut. En conséquence, ce sont ces rôles sociaux qui ont spécialement été étudiés par les psychologues. Ils constituent un modèle organisé de conduites, relatif à un certain statut de l’individu dans le groupe; déterminés par le consensus des membres du groupe, ils possèdent une valeur fonctionnelle pour celui-ci.

Relations entre rôle et statut

Le rôle comporte, à la fois, des droits et des devoirs (qui sont attachés au statut) et, aussi, certaines attitudes et certains traits de caractère qui, souvent, sont censés favoriser les tâches afférentes au statut.

Un certain statut peut être occupé par de nombreux individus – simultanément ou successivement. En revanche, chaque individu se situe dans plusieurs statuts et possède tout un répertoire de rôles. À un moment donné, un seul statut est sollicité et le rôle correspondant est activé. Tous les autres rôles restent latents, du moins théoriquement (en fait, dans l’actualisation du rôle, certains autres rôles du répertoire de l’individu interfèrent ou exercent un effet de halo sur la conduite de rôle effective). C’est la situation actuelle particulière qui détermine quels statuts et rôles sont activés.

Le rôle n’est pas directement saisissable dans les conduites des individus, même s’il est moins «abstrait» que le statut. Il ne constitue que le modèle social qui inspire des conduites, sur lequel celles-ci sont censées se calquer. Pourtant, d’une part, ce modèle est défini et soutenu par les attentes des membres du groupe, par la convergence de celles-ci; d’autre part, on peut connaître un rôle en observant de nombreuses personnes agissant dans un statut donné, et, en dégageant les traits communs, le consensus de leur conduite. Rattaché ainsi à des déterminants individuels, le rôle peut subir des transformations et les répercuter sur l’ensemble de la structure sociale. C’est donc dans les actions où ils s’exercent que les rôles se manifestent. Mais, en s’actualisant dans la réalité concrète, ils perdent leur pureté et s’enrichissent de facteurs personnels qui viennent, eux aussi, s’inscrire sur ce plan de la réalité interpersonnelle.

Par conséquent, le rôle joué constitue toujours un compromis entre le modèle social prescrit afférent au statut et la personne qui, cherchant à se conformer à ce modèle, l’interprète évidemment d’une façon unique. Il est donc possible de considérer la notion de rôle selon trois perspectives: le niveau sociologique, théorique, du rôle lui-même, du modèle, étroitement lié au statut; le niveau psychologique de la personnalité qui occupe les différents statuts, qui perçoit et joue les divers rôles; et, enfin, le niveau psychosocial où, dans les interactions de rôle concrètes, viennent se transcrire à la fois les rôles, modèles relativement stables d’action, et les déterminants personnels, multiples, changeant au gré des situations réelles.

Pour Linton, on l’a vu, alors que le statut constitue un concept statique et structural, le rôle représente un point de vue dynamique et fonctionnel. Les rapports entre ces deux concepts sont complexes et les opinions s’affrontent à leur sujet. Si le rôle ne constitue que l’aspect dynamique du statut, on peut se demander s’il est encore légitime de conserver côte à côte ces deux termes. Un autre problème se pose à propos de la correspondance étroite que Linton établit entre le rôle et le statut. En effet, lorsqu’on envisage le rôle de fils, celui-ci se définit par rapport à plusieurs rôles complémentaires, en particulier ceux de père et de mère. Faut-il alors introduire parallèlement plusieurs statuts de fils, correspondant chacun à un statut réciproque, ou bien faire découler d’un seul statut – celui de fils – plusieurs rôles différents (fils du père, fils de la mère)?

La position la plus communément adoptée consiste à faire correspondre à un seul statut tout un éventail de rôles: ainsi, le statut d’étudiant en médecine comprend le rôle d’étudiant envers le professeur, d’«apprenti médecin» envers les malades, celui qu’il joue envers les infirmières, envers ses collègues, etc. (R. K. Merton).

Statut, rôle et société

Si les statuts sont soustraits à l’action directe des individus, le rôle est relié d’une façon double aux membres du groupe. En effet, dire que les rôles sont «prescrits par la société» constitue une simplification abusive. Ce qui donne au rôle son caractère de modèle impératif, de contrainte, est l’accord des membres de la société dans ce qu’ils attendent d’un individu placé dans une certaine position. C’est le poids de ces attentes partagées qui détermine l’action sociale, et c’est à travers les failles de cette attente que pourra s’introduire le changement. Effectivement, l’accord, le consensus, n’est jamais total; il varie suivant la partie du rôle envisagé: très élevé pour l’«attribut central» du rôle, il est beaucoup moins cohérent sur d’autres points, accessoires de ce fait, pouvant se transformer plus facilement. Ce consensus relatif à un rôle sera plus élevé chez les individus occupant eux-mêmes la position correspondante que chez des personnes n’ayant qu’une connaissance occasionnelle de ce rôle. En outre, les «définisseurs» d’une même position ne sont pas tous soumis aux mêmes influences; à côté de ce statut commun, ils en occupent d’autres, divergents, et leur opinion sera marquée par une foule de déterminants personnels. Cela explique le manque souvent important de consensus dans une société complexe et changeante, l’accroissement des divergences et des conflits et, de ce fait, la transformation des rôles eux-mêmes.

Les rôles sont en quelque sorte validés par les actions en rôle, et, si celles-ci ne sont en général pas conformes au modèle, le modèle lui-même s’en trouvera modifié.

Les rôles sociaux préfigurent en quelque sorte, à un niveau théorique, les multiples interactions concrètes qui se déroulent dans la société, et, comme les individus, ils sont associés l’un à l’autre par des liens de réciprocité et de dépendance multiples. Le nombre et la nature des rôles sociaux, ainsi que la manière dont ils se relient les uns aux autres, constituent le tableau d’une certaine société à un moment déterminé.

Stabilisateur ou accélérateur du changement social

Tout le système de rôles interdépendants se trouve en équilibre instable. Une modification survenant à un point quelconque du champ de rôles entraîne une restructuration de tout l’ensemble. En effet, les interrelations des différents rôles sont si complexes que la modification de l’un d’eux transforme corrélativement d’abord un rôle complémentaire et, secondairement, de proche en proche, des rôles même éloignés.

Une question se pose ici: ces rôles qui introduisent la prévisibilité des réponses et la stabilité des comportements dans la vie sociale, sous quelles influences ou pressions sont-ils amenés à se transformer?

Influence des transformations socio-économiques

Les rôles sociaux ont une valeur fonctionnelle pour la société, ils sont destinés à l’accomplissement de certaines tâches; il n’est donc pas étonnant que ce soient d’abord des circonstances socio-économiques qui modifient ces rôles. Ainsi, Marcel Mauss montre comment, chez les Esquimaux, l’alternance des saisons entraîne des changements radicaux de la vie sociale; il montre aussi comment la succession de ces conditions détermine une alternance des rôles liés à un même statut.

De même, les transformations socio-économiques ont conditionné et déterminé l’évolution du rôle de la femme, évolution qui a, en retour, apporté des modifications profondes dans toute la vie de la société. Dans certains cas, ces transformations peuvent être brutales et s’opérer sous la pression d’événements imprévisibles ou de catastrophes. Ainsi, deux auteurs américains – E. L. et R. E. Hartley – montrent comment, pendant la Seconde Guerre mondiale, les jeunes hommes mobilisés n’ont plus été en mesure d’assumer le rôle attendu de «soutien économique de la famille». Pour éviter la désorganisation de cette dernière, les femmes ont dû assumer ce rôle, laissé vacant. À leur retour, les hommes ont continué leurs études, aidés financièrement par le travail professionnel de leur femme, mais, plus disponibles, ils ont accompli des tâches ménagères et «maternelles» appartenant ordinairement au rôle féminin. Ces transformations de rôle ont été répercutées en d’autres points de la structure sociale, et certaines ont subsisté même après le retour à une situation plus «normale».

Les statuts eux-mêmes se modifient, certains disparaissent ou acquièrent une situation différente dans le tout social, d’autres statuts surgissent, provoqués par la pression de nouveaux besoins nés de changements sociaux. Ainsi ont été créés les statuts de «spécialiste des relations publiques», d’«électronicien», de «psychologue»; parmi les statuts transformés ou supprimés, on peut citer celui d’«écrivain public».

En général, les rôles évoluent de façon progressive et médiate: quand interviennent des circonstances socio-économiques nouvelles, les actions en rôle prescrites ne suffisent souvent pas pour que l’individu s’y adapte et y trouve des satisfactions. À ce moment, certaines personnes – moins conformistes que d’autres – explicitent des comportements répondant mieux aux situations actuelles. Ces comportements, qui ne figurent pas dans la définition du rôle, ne sont pas «attendus» par le groupe, et, en conséquence, ils sont généralement jugés avec sévérité. Mais leur réussite convainc de plus en plus de membres du groupe. Peu à peu s’établit une nouvelle majorité d’actions en rôles; les attentes commencent alors à tenir compte de ces conduites inédites. Le consensus se déplace et impose un autre modèle de conduite, c’est-à-dire un rôle qui peut alors modifier ce statut lui-même. Secondairement, cette évolution des rôles entraîne fréquemment une modification des normes et des valeurs de la société.

Si, le plus souvent, ce sont d’abord les actions en rôle qui se transforment et, de proche en proche, les rôles eux-mêmes ainsi que les normes sociales, on assiste parfois au processus inverse. Une transformation des valeurs et normes de la société se répercute parfois sur les rôles; ainsi, la crise générale de l’autorité modifie profondément les relations entre les rôles. Le prestige attaché à un rôle dépend aussi de l’échelle de valeur de la société, et les changements du degré de prestige attaché à un rôle transforment le rôle lui-même et surtout les motivations des individus pour occuper le statut correspondant.

Conflits entre rôles et société

Si la transformation rapide de la société entraîne des modifications de rôle, inversement, les déséquilibres et les changements dans les rôles eux-mêmes et dans leurs relations accélèrent l’évolution sociale.

Dans cette optique, les rôles paraissent constituer un facteur de changement pour la société. Et pourtant, en principe, l’existence même de rôles bien définis est censée garantir la stabilité du système social ainsi que la prévisibilité des interactions individuelles qui procure aux individus un sentiment de sécurité, puisque chacun sait ce qu’il doit faire et ce que fera l’autre dans les différentes situations sociales. En général, le rôle est plutôt conçu comme le carcan entravant la spontanéité de l’individu et comme un frein toujours serré bloquant la progression nécessaire de la société.

Il est certain que, si les rôles remplissaient toujours parfaitement la fonction qui leur est dévolue, s’ils se répondaient sans qu’interviennent des «parasites», si les droits correspondaient exactement aux devoirs, les relations sociales se dérouleraient d’une façon sinon harmonieuse, du moins automatique. Mais, pour que les rôles assument vraiment leur fonction, qu’ils satisfassent l’individu, rendent les interactions prévisibles et non conflictuelles, et organisent les processus sociaux, il faut qu’ils obéissent à certaines conditions essentielles. Si ces conditions ne sont pas remplies, il se produit en quelque sorte une rupture d’équilibre, conduisant à la désorganisation de la société, à des conflits internes pour la personne, à des frictions entre les individus. À ce moment-là, pour résoudre les conflits et harmoniser les opposés, des transformations de conduites, puis de rôles, interviennent. C’est donc le conflit qui «casse» le noyau durci du rôle, qui le rend vivant, pour un temps du moins, car un nouveau rôle – tendant, lui aussi, à se pétrifier – prendra bientôt sa place.

Stabilité ou immobilisme?

Certaines conditions garantissent la stabilité, mais entraînent aussi l’immobilité si elles sont trop bien remplies. Les unes concernent principalement des déterminants internes du statut ou du rôle, d’autres affectent les relations des rôles entre eux, d’autres encore visent principalement l’insertion des statuts et des rôles dans la société.

1. La première condition est liée au statut: à chaque statut doit être rattaché un rôle et un seul, ou – dans le cas de rôles multiples, afférents à un même statut – une seule définition de chaque rôle. Sinon, l’individu est obligé de choisir entre deux modèles de conduite; on peut citer l’exemple de la femme tiraillée entre le rôle traditionnel et le rôle «moderne», ce qui provoque à la fois des conflits pour l’individu obligé de choisir et des tensions entre les individus qui ne savent pas en fonction de quel rôle agira leur partenaire. La non-réalisation de cette condition est aussi bien la conséquence du changement (l’ancien rôle coexistant encore à côté du nouveau) qu’une cause de celui-ci, rendu nécessaire par les conflits et malaises provoqués.

2. La définition d’un même rôle doit être claire et ne pas permettre d’équivoque. Cette condition est difficile à remplir dans une société complexe, structurée en de nombreux sous-groupes, chacun définissant le rôle à sa propre façon. Ici aussi, on rencontre à la fois une cause et une conséquence du changement.

3. Un même rôle ne doit pas contenir d’exigences incompatibles ou incarner des valeurs contradictoires, comme, par exemple, les rôles d’aumônier militaire ou de médecin contrôleur de la Sécurité sociale; ces rôles comportent en effet deux parties, demandant à l’individu des attitudes différentes et, dans une certaine mesure, opposées. Pour diminuer cette contradiction, des redéfinitions peuvent être nécessaires.

4. Les rapports existant, au sein d’un statut, entre les droits et les devoirs, ou, au sein d’un rôle, entre les obligations et les satisfactions, doivent comporter un certain équilibre. Cela est difficile à réaliser à la longue, l’importance et la nature de ce qui est tenu pour un droit ou un devoir variant suivant les époques et les civilisations. Le déséquilibre entraîne un sentiment de frustration chez l’individu ainsi que des efforts pour modifier la situation et aboutir à un nouvel équilibre entre droits et devoirs. Un tel déséquilibre entre droits et devoirs amène souvent des transformations brusques et explosives des rôles et des statuts.

Les relations des rôles entre eux doivent aussi répondre à certaines conditions précises.

5. Il faut que les rôles se limitent à un domaine circonscrit et ne se recoupent pas entre eux: ainsi, une même situation, ou une même tâche, ne doit pas faire intervenir deux rôles différents, sinon des conflits risquent de se produire ou bien la tâche ne sera pas accomplie. Si cette condition n’est pas remplie, des redéfinitions de rôle sont nécessaires.

6. Plus les rôles complémentaires répondant à un même statut sont nombreux, plus il est difficile à l’individu de répondre aux attentes que dirigent sur lui ceux qui se trouvent placés dans ces différentes positions réciproques. Cela constitue aussi un important facteur de changement affectant l’équilibre de l’individu et celui des relations interpersonnelles. Un cas particulièrement grave est celui des «rôles tampons» (par exemple, celui du contremaître).

7. La société a plus de stabilité et l’individu moins de conflits lorsque la proportion entre les statuts choisis et les statuts imposés ou prescrits favorise ces derniers. À ce moment, l’individu n’est pas obligé de choisir: sa voie est toute tracée, et la compétition autour des statuts les plus recherchés n’existe pas. Pourtant, la liberté dans le choix des rôles augmente la prise de responsabilité de l’individu et mobilise le dynamisme individuel et social.

Ainsi, orientés à la fois vers la sociologie et la psychologie, vers le groupe et l’individu, ces deux concepts liés de statut et de rôle renvoient simultanément à la stabilité et au changement, et permettent de considérer la réalité humaine à la fois sous l’angle du déterminisme et sous celui de la liberté.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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